Dix millions de Français en situation de fragilité
3,5 millions de personnes sont mal-logées, et 6,5 millions pourraient le devenir. En creusant les inégalités, la crise sociale et la politique actuelle du logement risquent de confirmer cette sombre prévision de la Fondation Abbé Pierre.
Aujourd’hui, le logement ne constitue plus « une protection durable contre l’exclusion ». C’est le constat du dernier rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, qui sera rendu public aujourd’hui. 3,5 millions de Français sont mal logés : ils sont SDF, vivent en habitat indigne ou atypique – campings, caves, etc. —, ou encore sont logés chez des tiers.
De plus, 6,5 millions de personnes sont en « position de fragilité face au logement, et pourraient basculer en cas d’accident de la vie » (licenciement, séparation…).
Parmi elles se trouvent notamment 1,8 million de ménages qui ont des difficultés pour payer leur loyer. « Fin 2006, 500 000 d’entre eux avaient des impayés de loyer depuis deux mois, ce qui rend possible une résiliation du bail et une expulsion. Ce chiffre est deux fois plus important qu’en 2002 », souligne Christophe Robert, responsable des études de la Fondation Abbé Pierre.
La moitié du budget de 30 % des Français
Comment expliquer ce phénomène ? La hausse continue des loyers et des charges est bien sûr en cause. Le budget logement est passé de 7900 euros en 2002 à 9700 euros en 2007, soit 23 % de plus.
Il fallait 3 à 3,5 années de revenus pour acheter son logement en 1996, il en faut aujourd’hui 5 ou 6. « Non seulement le logement est le miroir des inégalités, mais il les renforce », poursuit Christophe Robert. Selon les données du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), la part des dépenses incompressibles liées au logement (loyer, factures, charges…) représente désormais environ la moitié du budget de 30 % des Français, les plus modestes, contre le quart de leurs dépenses en 1979 : leur effort a donc doublé, alors qu’il n’a augmenté que de 7 % pour les 10 % les plus riches.
La hausse des prix a certes des raisons économiques : il manque actuellement 900 000 logements. « Les constructions neuves ne parviennent même pas à répondre à la demande des 310 000 ménages qui arrivent chaque année sur le marché », déplore Christophe Robert, qui s’insurge contre la fin des ambitions politiques.
Le budget logement du gouvernement est en baisse en 2010.
Alors qu’on compte 1,8 à 2,5 millions de logements vacants, dont les deux tiers dans des zones urbaines ou en périphérie, la loi sur les réquisitions n’est jamais appliquée. La Fondation Abbé Pierre souhaiterait au moins taxer les logements vacants (lire ci-dessous).
La loi Dalo, « un échec »
Des mesures en vigueur montrent aussi leurs limites. Le droit au logement opposable (Dalo) est « un échec », selon Christophe Robert. « Sur 122 560 recours déposés, 38 125 ont obtenu une décision favorable, mais 10 000 ménages prioritaires qui ont passé toutes les étapes de sélection, ne se voient toujours pas proposer de logement », affirme-t-il.
Le plan de cohésion sociale, programme pluri-annuel de construction de logements sociaux qui vient de s’achever, a permis la création de près de 500 000 logements. « Mais il ne sera pas prolongé par le gouvernement », regrette Christophe Robert.
« Le rôle d’une démocratie est pourtant de pallier les difficultés des plus modestes », souligne le directeur des études de la Fondation. « Or on a vu des aides aux entreprises et aux banques, mais pas d’augmentation de l’APL (allocation personnalisée au logement). Le gouvernement s’est certes engagé à refondre le secteur de l’hébergement d’urgence, pour lequel on attend encore les moyens, mais rien n’est fait pour rendre l’offre de logement plus accessible à tous. »
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