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BoubouPanda
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La FED en état d'urgence ? - Chronique Hebdomadaire Le Monde Empty La FED en état d'urgence ? - Chronique Hebdomadaire Le Monde

25/11/2009, 12:54 am
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Chronique de la semaine
La Fed en état d'urgence, par Paul Jorion
LE MONDE ECONOMIE | 24.11.09 | 16h36 • Mis à jour le 24.11.09 | 16h36


Les États-Unis se trouvent aujourd'hui dans une situation paradoxale puisque deux projets de loi, l'un au Sénat, émanant de Christopher Dodd (Parti démocrate), l'autre au Congrès, proposé par Barney Frank (démocrate lui aussi), visent respectivement à restreindre... et à étendre les pouvoirs de la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale américaine ! L'explication de cette divergence de vues entre parlementaires du même parti s'explique par leur attitude vis-à-vis de ce que j'appellerai "l'état d'urgence" : Dodd pense qu'il convient de le lever au plus tôt, tandis que Frank considère qu'il faut le renforcer.

Pourquoi parler d'"état d'urgence" ? Rappelons en quelques mots la relation existant entre banques centrales et États. La puissance publique relève du politique, dont la transparence est garantie pour permettre aux élus de rendre compte de leurs actes. Les banques centrales ont été créées autonomes et indépendantes pour mettre leur gestion monétaire et le maintien de la stabilité financière à l'abri des préoccupations à court terme de ces élus.

Le refus des banques centrales de divulguer au politique certaines informations sur leur fonctionnement propre serait un corollaire de leur indépendance. C'est du moins ainsi que la Fed justifie, par exemple, son refus de révéler le nom des bénéficiaires de ses mesures de soutien, affirmant que la divulgation des noms fausserait la logique concurrentielle. Conséquence immédiate d'une telle rétention d'information : plus les responsabilités des banques centrales sont importantes, moins le public est informé de l'impact des mesures qu'elles prennent...

Confrontées, en septembre 2008, à la tâche de sauver la finance en perdition, les autorités eurent d'abord recours aux moyens conventionnels à leur disposition, avant de les compléter par d'autres, qualifiés de "non-conventionnels". Des règles économiques et comptables jugées jusque-là intangibles furent alors enfreintes, tandis qu'un "état d'urgence" s'instaurait de facto.

La théorie économique dominante met l'accent sur la transparence comme condition de la vérité des prix. L'état d'urgence nécessitait au contraire le black-out, la dissimulation, non seulement des mesures prises, mais aussi de l'identité de leurs bénéficiaires. La transparence fut sacrifiée. Son maintien aurait, il est vrai, révélé que les autorités avaient cessé de croire à l'efficacité de certains principes qu'elles continuaient à défendre haut et fort.

La relative opacité des opérations des banques centrales, censée garantir leur indépendance, tombait donc à point nommé. L'extension de leur pouvoir aux dépens des organismes étatiques a augmenté leur aptitude à juger au coup par coup des décisions à prendre "pour la bonne cause". La capacité du politique à mettre en place des mesures s'en est trouvée restreinte d'autant. Le transfert aux banques centrales de certaines prérogatives a permis de cacher des infractions sérieuses aux grands principes, et l'affreuse fragilité du système qu'entraînait l'insolvabilité généralisée des établissements financiers. L'opacité a permis de construire des "villages Potemkine" - des décors de carton-pâte -, mettant en scène le spectacle d'une reprise qui, espérait-on, servirait d'aiguillon à une reprise effective.

L'hémorragie du système financier se trouve aujourd'hui apparemment stoppée, mais cela s'est fait dans un contexte où les principes de régulation du monde financier ont été suspendus. Les autorités sont sans doute convaincues que cet état d'urgence sera levé dès que possible, et l'Etat de droit rétabli. Mais n'ayant pas dit clairement qu'un état d'urgence avait été instauré, elles ont en réalité rendu possible sa prolongation sine die.

Paul Jorion est économiste et anthropologue
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