Question à 200.000 dollars

Question à 200.000 dollars

200.000 dollars par an, c’est le salaire moyen d’un employé de la banque américaine Goldman Sachs. Hier Lloyd Blankfein, le patron de la banque a défendu ces rémunérations et les bonus qui continuent de faire scandale en Amérique. Mais pourquoi les salaires sont ils aussi élevés dans les banques ? Le patron de Goldman Sachs explique « qu’il doit récompenser la performance ». Et c’ est vrai que sa banque est la plus performante des Etats-Unis et que la compétition est féroce entre établissements financiers pour attirer les meilleurs traders et négociateurs, qui peuvent faire gagner beaucoup d’argent à une banque.

Vu de son bureau de Manhattan, il n’a pas totalement tort. D’ailleurs les patrons de AIG, la grande société d’assurance sauvée par l’Etat après avoir failli faire sauter la planète, se plaignent de voir partir leurs meilleurs éléments parce que leurs rémunérations sont limitées sur instruction du gouvernement. Mais enfin, si on prend un peu plus de hauteur, qu’on sort des petits intérêts de la profession bancaire pour s’intéresser à la société dans son ensemble, le vrai sujet, ce n’est pas les bonus mais le niveau des profits des banques. Songez qu’en 1980 les bénéfices des banques françaises représentaient 10% du profit total de toutes les entreprises. En 2007, on a dépassé les 40%. Alors que la banque ne représente que 5% de l’emploi et 16% de la valeur ajoutée totale... Quand il y a un tel décalage entre l’argent gagné et la valeur du travail fourni, les économistes appellent cela une rente. Comme lorsqu’on est le seul boulanger du village et que l’on peut mettre la baguette à n’importe quel prix car les clients n’ont pas le choix.

Comme pour le boulanger, les banquiers profitent d’abord d’une insuffisance de concurrence qui permet de facturer des prix élevés. En fait, il n’y a pas assez de concurrents car les pouvoirs publics n’ont pas intérêt à ce qu’il y en ai trop, pour être sûrs de bien protéger les clients contre les risques de faillite (c’est le métier le plus réglementé au monde). L’autre raison de cette rente vient de ce que la banque est au cœur des mouvements d’argent. Elle est la mieux informée et elle manipule des masses considérables. Elle s’est donc mise depuis 20 ans à profiter de sa situation en spéculant, plus seulement pour ses clients mais aussi pour elle même.

En fait, le problème de fond vient de ce que la réglementation des banques, très stricte dans tous les pays du monde, n’a pas suivi la libéralisation financière des années 80. On s’est alors retrouvé avec des entreprises qui sont protégées par l’Etat d’un coté et qui de l’autre sont passées du métier traditionnel de prêteur à celui plus lucratif de trader. Il faut donc adapter la réglementation, soit en taxant les transactions pour réduire leur intérêt pour les banques, soit en séparant plus les métiers, comme on l’avait fait au moment de la crise de 29. C’est tout l’enjeu des discussions internationales qui se déroulent en ce moment au niveau des chefs d’Etat.